Monsieur le Président,
J’espère que cette nomination qui cadre pourtant avec votre stature au sommet du conseil constitutionnel ne vous causera pas d’ennuis au sein du sérail. Il se dit que le vrai président est très sensible à tout ce qui se rapproche de son pouvoir; je comprendrais de ce fait que vous m’interdisiez de vous appeler ainsi par peur que des soupçons viennent à peser sur votre personne . . .
J’ai beaucoup pensé à vous depuis l’élection du 07 octobre, positivement il faut le dire. Aujourd’hui encore je regardais une vidéo où on vous voit jubiler à la suite de votre nomination à la tête de cet organe puissant parmi les institutions de notre pays. Vous étiez si heureux d’intégrer la mangeoire, si heureux de faire partie des barons de la République des voleurs et des pilleurs ; et voilà que moins de 8 mois après, vous commencez à comprendre que vous avez été piégé par vos amis. À la vérité, voici venu le seul, l’unique et peut-être même l’ultime moment important pour lequel vous avez été choisi. Et je sais qu’en acceptant cette responsabilité vous ne vous imaginiez vraiment pas qu’elle en serait une!
Vous voyiez vos missions comme le fait d’une simple formalité habituelle au régime du Renouveau auquel vous apparteniez fièrement au soir de votre nomination. Vous ignoriez, comme la plupart d’entre vous, qu’il y’aurait effectivement ce vent violent, ce cyclone terrassant qui s’est engraissé opportunément de la clochardisation morale et intellectuelle des hommes de votre Camp ; qui a puisé son énergie dans les insultes, les dénigrements et. . . la sous-estimation de soi par les membres de votre Camp trop surestimés. Aujourd’hui le cyclone est bien géant et dicte l’atmosphère et le climat de notre pays.
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Ils ont besoin de vous pour légitimer leur fraude car, comme votre confrère d’ELECAM, vous avez les vrais résultats de cette élection. Ces résultats reflètent fortement les lassitudes d’un peuple opprimé, méprisé, mais désormais prêt à tout pour sa liberté. Je puis déjà vous informer de ce qu’il ne se laissera pas voler. Je sais combien ça doit être difficile pour vous lorsque vous sortez le matin pour votre bureau. J’imagine qu’ils vous appellent toutes les secondes, de la présidence aux directions générales pour vous supplier de ne pas flancher à votre conscience qui vous parle encore, je me dis. Ils vous promettent même des postes ministériels, vous parlent de fierté ethnique pour piéger votre sensibilité culturelle. Je sais qu’ils vous font des offres faramineuses de notre argent. Au bureau, vous êtes entouré de collègues de votre parti qui vous ont un peu à l’œil. Ils surveillent le moindre coup de fil que vous passez ou recevez; ils ont peur que vous les déceviez, que vous choisissiez d’être avec le peuple cette fois. Et puis lorsque vous prenez la route en fin de journée pour retourner chez vous, loin du harcèlement, il reste encore votre femme à affronter à la maison. Madame la députée ne vous laisse pas dormir. Elle vous explique et réexplique qu’il faut à tout prix que Biya reste car, dit- elle, votre carrière dépend de lui. Et vous commencez à croire qu’ils ont tous raison. De toutes les façons, que perdriez-vous en reconduisant le dictateur ? Tout au contraire, vous gagnez 07ans de plus! Dans votre petite tête, oui!
Moi je voudrais qu’en ce moment vous ne pensiez qu’à Alieue Oumar Njai de la Gambie. Comme vous, il avait été nommé par Yahya Jammeh à 06 mois de l’élection présidentielle pour l’aider à se maintenir au pouvoir. Vous vous imaginez bien que Oumar devait être dans la même situation que vous en ce moment, subissant la même pression, calculant ses propres intérêts. Si Oumar prononçait les résultats en faveur de Jammeh celui-ci partait de toutes les façons. Le peuple ne voulait plus de lui. Mais il ne serait pas parti seul. Oumar aussi serait parti ; parti certainement pour la prison pendant que Yahya aurait joui d’une immunité. Mais Oumar à choisi d’entrer dans l’histoire de la Gambie ; il a eu le courage et la force spirituelle au delà des pressions, au dela des égoïsmes, de déclarer Adama Barrow vainqueur et nouveau président de la Gambie. Aujourd’hui Oumar est le président de la commission électorale de son pays. Quelle fin heureuse n’est-ce pas? Le bateau a chaviré sans lui.
Soyez le Oumar Njai du Cameroun monsieur le Président et l’histoire vous retiendra à jamais. N’ayez pas peur de votre tête, elle ne sautera pas. Le peuple garantit votre protection une fois que vous l’aurez déclaré vainqueur. Le contribuable continuera d’employer votre savoir-faire. Vous deviendrez un héro national et on enseignera votre mémoire à la postérité comme un exemple de patriotisme. Des camerounais donneront votre nom à leurs fils pour vous éterniser à travers les générations. J’écrirai un livre sur vous. . .
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Votre tâche n’est pas si lourde que çà. Elle consiste juste à traverser la ligne qui sépare nos deux mondes et de vous retrouver enfin du bon côté avant que le tourbillon ne ravage tout. Je vous ai écrit cette lettre pour vous dire que le peuple camerounais vous tend la main. Saisissez-là!
Respectueusement, votre.